Wednesday 18 February 2015

03 Loyers des bureaux : Inox et ecchymoses

La stabilité globale des loyers haut de gamme fait paravent. Elle masque des ajustements à la baisse sur beaucoup de valeurs. Des ajustements parfois significatifs… 

Il y a ceux qui résistent et ceux qui se sont abîmés.
L’année 2014 a été marquée par des ajustements et des rééquilibrages en matière de loyers. Des mouvements pas toujours spectaculaires, souvent mis sous le boisseau, mais qui n’en marquent pas moins les rapports de force sur le marché locatif. Les acteurs de la place se sont astreints à un devoir de réalisme. Une mise à plat, qui s’avérera probablement salutaire et qui produit déjà ses premiers effets.

Du côté des inoxydables cuvée 2014, le plus bel exemple est fourni par le loyer haut de gamme sur le Quartier Central des Affaires. Il s’était fixé à 750 € en fin d’année 2013, il termine 2014 exactement au même niveau. Cette valeur a été étayée tout au long de l’année par plusieurs transactions, situées sur ce que l’on appelle le Triangle d’Or (essentiellement le 8ème arrondissement).
Il faut dire qu’en matière de réalisme, les propriétaires d’immeubles du QCA avaient été précurseurs. Ils ont très vite compris que la période économique actuelle, caractérisée par la morosité, n’était pas propice à des valeurs d’affichage jugées ostentatoires. Ils avaient donc pratiqué un ajustement à la baisse, initié à la mi-2012 et qui s’est terminé à la fin 2013. Le loyer haut de gamme est ainsi passé de 830 à 750 €, perdant 10% de sa valeur en un an et demi. C’est une correction importante, bien qu’il faille tout de même la relativiser un peu. En effet, ces valeurs ne concernent qu’un petit nombre d’immeubles, tous uniques et différents les uns des autres. Il se trouve que le QCA a été le théâtre, à la fin 2011 et au début 2012, de la livraison de quelques immeubles exceptionnels par le cumul de leurs qualités techniques et architecturales et par le prestige de leur adresse. Après leur commercialisation, il n’y a pas eu de nouvelles offres comparables, ce qui a sans doute amplifié l’impression d’ajustement à la baisse des valeurs haut de gamme. Reste que les performances locatives du QCA en 2014 démontrent que cet ajustement a été suffisant et qu’un point d’équilibre a été trouvé entre les attentes des utilisateurs et celles des propriétaires. La rareté des immeubles de Grade A au cœur de Paris est telle que, de toute façon, les pressions à la baisse ne sont plus possibles. Et l’année 2014 s’est même terminée par la manifestation des premiers signes de tension à la hausse.
Toujours sur le QCA, et à compter au rang des phénomènes marquants de l’année 2014 en matière de loyers haut de gamme : la montée en puissance de la partie Est de ce territoire (1er, 2ème et, surtout, 9ème arrondissements). C’est ce que l’on appelle la Cité Financière. Le QCA est traditionnellement coupé en deux, avec d’un côté le Triangle d’Or, prestigieux et cher, et la Cité Financière, habituée à des valeurs plus modestes. L’écart sur les loyers haut de gamme est ainsi de 180 € en moyenne sur une période de cinq ans. L’année 2014 a ébranlé cette organisation traditionnelle des prix. L’avance du Triangle d’Or est en effet tombée à 100 € en fin d’année, avec des valeurs haut de gamme de 650 € sur la Cité Financière. Cette dernière a bénéficié, dans ce mouvement d’égalisation, d’une nette prépondérance en matière d’offre de Grade A. Elle a en effet concentré une grande part des livraisons de programmes de restructuration en 2014 – programmes aujourd’hui entièrement commercialisés, sans exception aucune (contre un niveau de commercialisation de 63% sur le Triangle d’Or). Pour cela, la Cité Financière a également bénéficié d’un incontestable changement d’image, s’imposant comme un quartier d’affaires vivant et branché, ce qui lui a permis d’intéresser des cibles qui l’ignoraient jusque-là (les avocats par exemple) et d’attirer des acteurs montants de l’économie, à l’image des startups et des TMT.

Ce phénomène de glissement du choix des utilisateurs au gré des conditions de marché est également à l’origine de la stabilité des loyers moyens. Autres inoxydables que ceux-ci.
En 2014, mais pas seulement. C’est même un des phénomènes les plus pérennes du marché. Nous l’indiquions déjà l’année dernière : en plus de dix ans, la variation du loyer moyen n’a eu qu’une amplitude très réduite, limitée à 10% autour d’une valeur médiane de 302 €. Pour l’année 2014, le loyer moyen s’établit à 310 € en Île-de-France, en légère baisse par rapport à 2013 (-1%). Autant dire qu’il n’a pas bougé. Les entreprises ajustent leurs choix en termes d’adresse et de qualité des immeubles pris à bail en fonction des conditions de marché et de l’évolution des loyers. C’est ce qui explique qu’en période de baisse des valeurs, on assiste souvent à un recentrage de l’activité locative sur les marchés les plus établis et les immeubles de qualité. Et inversement.
Ce loyer moyen régional n’est bien sûr qu’un indicateur global, qui ne doit pas cacher l’hétérogénéité de la région parisienne en matière de valeurs. Sur le QCA par exemple, le loyer moyen s’établit à 508 €, soit presque le double que Paris 18/19/20ème arrondissements, un autre marché de la ville centre, où il plafonne à 259 €. Et dès que le boulevard périphérique est franchi, on assiste à une chute des loyers moyens, la Première Couronne Est passant même sous les 200 €. Dans les faits, parmi les marchés de périphérie, seuls La Défense et Neuilly/Levallois parviennent à franchir la barre des 300 €, à 376 € pour Neuilly/Levallois et à 398 € pour La Défense. C’est dire l’écart de valorisation au sein de la région parisienne.

Un écart qui, de surcroît, est allé croissant en 2014. Quand le loyer moyen de Paris 18/19/20ème arrondissements représentait 53% du loyer du QCA en 2013, il n’en fait par exemple plus que 51% en 2014. L’accroissement de l’écart n’est sans doute pas spectaculaire mais il traduit bien les différences d’environnement économique d’un marché à l’autre.

Évolution des loyers moyens en Île-de-France - Source : Knight Frank


Car les inoxydables ne peuvent  faire oublier les ecchymoses et les blessés de l’année 2014. Il y en a, même si certaines adaptations, douloureuses, restent discrètes et se cachent sous un voile pudique.
Il n’y a guère que sur Péri-Défense que l’ajustement à la baisse des loyers haut de gamme a été franc et relativement massif, passant en un an de 390 à 350 € (-10%). Il faut dire que ce marché, qui ceinture La Défense, a été soumis à la concurrence sévère de son voisin et a été affaibli par l’importance de sa propre offre, contraignant les propriétaires à des révisions drastiques. Et à le faire savoir.
Ailleurs, le phénomène est plus discret. Prenons La Défense par exemple. Le loyer haut de gamme n’y a que peu bougé, au moins dans les valeurs faciales. Il est même légèrement reparti à la hausse, gagnant 10 € sur l’année, à 540 €. Ce secteur était pourtant sorti étrillé de l’année 2013, avec la plus faible activité transactionnelle en 12 années. Si le loyer haut de gamme peut y afficher une hausse, c’est grâce à des prises à bail dans quelques immeubles d’exception, à l’image de la tour Majunga. Mais cela ne saurait masquer une réalité : une très grande partie de l’activité transactionnelle s’est faite sur la base de valeurs n’excédant pas 500 €. Pour la plupart d’entre elles, les tours de dernière génération, récemment livrées, n’y échappent pas.
Il a fallu revoir à la baisse les ambitions initiales. La mesure en est donnée par un des programmes phares de restructuration, livré en 2011 et dont la commercialisation n’est toujours pas achevée. Alors que les valeurs de présentation de cette tour s’étageaient de 565 à 610 € en 2012, la dernière prise à bail dans l’immeuble s’est faite à 530 €.

Le loyer haut de gamme ne doit donc pas faire paravent. Les valeurs se sont bel et bien ajustées à la baisse en 2014. Et ce qui s’est vu à La Défense s’est vérifié sur tous les marchés de la périphérie parisienne.


Oui, inox et ecchymoses : l’année 2014 a exacerbé les différences à l’intérieur de la région parisienne en matière de valeurs. Éternels mouvements de balancier et d’ajustement réciproques entre marchés, ils ont sans doute été douloureux pour plus d’un propriétaire. Mais ils sont, à n’en pas douter, la clef d’un assainissement et d’un élan à venir.

Évolution des loyers haut de gamme en Île-de-France - Source : Knight Frank



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